Théâtre Live Musique
samedi 25 février 2012, par Hugo Musella
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L’acteur. Vous savez, j’ai vu Molière, hier. Non, pas un Molière. J’ai vu Molière lui même. J’ai vu Molière et il m’a dit : Vraiment, il y de quoi écrire sur votre société. Et tous ces mots en liberté, j’en ferais des ferrets magnifiques ou des fouets serrés. Que donne-t-on au théâtre ce soir ? Un Racine et un Molière, ai-je répondu. C’est tout ? Un Feydeau je crois bien. Un poète d’ici ? D’il y a un siècle ou deux. Je ne suis pas très fort en dates.
Je crains de ne point comprendre… Sur quoi votre société se reflète-t-elle si vous donnez toujours des pièces qui sont à l’image de la mienne ? Serait-ce une volonté de rendre le public aveugle et sourd au monde ? En jouant du Molière, vous rendez vos auteurs inaudibles Leur silence devient leur tombeau, celui de tous ceux qui écrivent et donc le mien En montant du Molière vous assassinez Molière. A l’assassin ! Au meurtrier !
Et alors il est mort, Molière. Une seconde fois. Tac ! Comme on craque une branche. Mais il est mort loin de la scène Parce que celle sur laquelle nous étions n’avait plus vu d’auteur vivant depuis longtemps… Elle était pleine de moisissures. Les scènes sont trop souvent des champs de champignons. Il y en a sur les langues des acteurs Sur les fauteuils des metteurs en scène et sur leur cul. On ne sait pas qui du fauteuil ou du cul s’est propagé sur l’autre. Non, ce n’est pas vrai… On sait. Il y a des mycoses entre les lignes des textes qui s’accrochent et qui tiennent. Les théâtres sont de vraies forêts vénéneuses. Elles ne piquent pas, non, elles endorment doucement. Dans sa seconde chute, Molière a voulu écraser à nouveau son crâne contre le bois. Il n’a trouvé qu’un pâle coussin de champignons. Il a rebondi. Fou de honte, il a brûlé toutes ses pièces. Et il est allé se noyer. Il ne savait pas qu’on en avait des doubles.